Pointeuse Perso

Vous êtes au forfait-jours ? Contrairement à une idée reçu, votre temps de travail est réglementé. Comme les autres salariés, vous pouvez prendre des temps de récup' et des heures supp'.

 

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1. Qu’est-ce que le forfait-jours ?

Le forfait-jours permet à un employeur de rémunérer le salarié sur la base d’un nombre de jours de travail dans l’année. Le temps de travail est décompté non pas selon une référence horaire, mais selon le nombre de jours travaillés. Des garde-fous protègent le salarié d’une charge de travail excessive mettant en péril sa santé.

Le dispositif forfait-jours n’échappe pas à la loi. Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par chacune des parties. L’employeur a des obligations vis-à-vis du salarié en forfait-jours (charge et temps de travail, salaire, etc.).


2. Qui sont les salarié-e-s concerné-e-s ?

Le forfait-jours peut uniquement concerner (Article L.3121-43 du code du travail) :

1. Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.

2. Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Beaucoup d’employeurs développent l’utilisation du forfait-jours pour s’exonérer du paiement des heures supplémentaires sans pour autant que le salarié concerné réponde à ces conditions. Certains tentent, par exemple, d’exiger une présence à heure régulière dans l’entreprise, alors que c’est incompatible avec le régime forfait-jours.


3. L’employeur peut-il imposer le forfait-jours au salarié ?

L’accord du salarié est obligatoire (Article L.3121-40 du code du travail). Si le salarié refuse de signer la convention individuelle de forfait, l’employeur ne peut ni appliquer d’office le forfait, ni sanctionner l’intéressé. Il doit soit renoncer à son projet, soit engager une procédure de licenciement (Cass. soc., 30 mai 2007, n°05-41.802) pour refus de modification du contrat de travail et doit justifier la nécessité de cette modification.

À savoir : Il n’est pas facile, individuellement, de refuser une convention forfait-jours lorsque l’employeur y tient. Il peut être utile de se renseigner auprès d’un délégué sur le contenu de la convention collective dont on dépend, car certaines conventions collectives sont plus précises (par exemple :  obligation d’indiquer dans le contrat de travail les éléments d’autonomie pouvant justifier le forfait-jours). La jurisprudence fait alors respecter strictement leurs dispositions.


4. Quelles sont les conditions de validité du forfait-jours ?

Deux conditions doivent être nécessairement remplies :

1ère condition : un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement doit avoir été signé AVANT la conclusion d’une convention individuelle de forfait (L.3121-39). À noter que les dispositions d’un accord d’entreprise ou d’établissement priment sur celles d’un accord de branche, même si elles sont moins favorables.

2ème condition : une convention individuelle de forfait est obligatoirement écrite (L.3121-40).
L’accord collectif de branche ou d’entreprise doit obligatoirement prévoir (L.3121-39) :
• les catégories de salariés à qui peut être proposée une convention individuelle de forfait
• la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est fixé, c’est-à-dire le nombre maximal de jours pouvant être travaillés sur l’année.
• les clauses d’encadrement afin de garantir un contrôle de la charge et de la durée de travail. Chacune de ces clauses peut justifier la non-validité de l’accord. Les annulations d’accord collectif par la jurisprudence portent majoritairement sur la dernière clause.

En l’absence d’accord collectif valable ou de convention individuelle, le forfait-jours n’est pas valable. Les salariés tombent sous le régime du temps de travail commun avec comptabilisation des heures de travail, et peuvent donc demander le paiement des heures supplémentaires (avec effet rétroactif de 3 ans) qu’ils sont en capacité de justifier.


5. Quid si l’accord d’entreprise est invalidé ?

Dans ce cas, les conventions individuelles de forfait sont nulles (Cass. soc., 24 avril 2013, n°11-28.398). Les salariés bénéficient, à nouveau, des dispositions communes relatives au temps de travail. Ils peuvent se faire payer les heures supplémentaires effectuées, sur une période de 3 ans, à condition de les prouver. Il peut demander aussi des dommages et intérêts en se fondant sur la violation du droit à la santé et l’atteinte à la vie privée. Le délai de prescription est de 3 ans en matière de salaires.


6. Quid si l’employeur ne respecte pas les garanties imposées sur le contrôle du temps et de la charge de travail ?

Selon l’article L.3121-48 du code du travail, les salariés en forfait-jours ne bénéficient pas :
• de la durée quotidienne maximale de travail de 10 heures ;
• de la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures ;
• de la durée hebdomadaire maximale calculée sur 12 semaines (44 ou 46 heures). En revanche les dispositions relatives au repos quotidien (11 heures minimum, article L.3131-1) et au repos hebdomadaire (24 heures minimum, article L.3132-2) s’appliquent. Cependant, suite à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits sociaux, la justice française a annulé de nombreux accords sur les forfaits-jours au motif qu’ils ne garantissaient pas le respect d’ « une durée maximale raisonnable de travail » (Cass. Soc., 29 juin 2011, pourvoi  n°10-14743). Les salariés en forfaits jours ne sont donc pas corvéables à merci et l’employeur, dans le cadre de ses responsabilités sur la santé et la sécurité, doit garantir à l’ensemble des salariés une durée raisonnable de travail.

Un entretien annuel individuel porte sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, et la rémunération du salarié (article L.3121-46). L’employeur doit aussi mettre en place un dispositif de contrôle et de suivi régulier de la charge de travail et de l’aptitude de travail des salariés au forfait.

À noter également qu’il ne suffit pas que les dispositions conventionnelles soient conformes aux exigences posées par la jurisprudence : il faut aussi que l’employeur les applique.  Si, par exemple les dispositions prévues pour le contrôle et le suivi de la charge de travail ne sont pas respectées (entretiens prévus, mécanisme de contrôle et de suivi régulier de l’amplitude et de la charge de travail, etc.), la convention individuelle de forfait est privée d’effet (Cas.soc.2 juillet
2014, n°13-11.940 ; Cas.soc.30 avril 2014, n°13-11.034). Le salarié peut alors prétendre au paiement d’heures supplémentaires.


7. Qu’est-ce qui doit figurer dans le contrat de travail ou son avenant ?

Qu’il s’agisse d’une clause du contrat ou d’une convention individuelle distincte, son contenu ne peut se limiter à une phrase renvoyant à l’accord collectif autorisant la mise en œuvre de telles conventions (Cass. soc., 31 janv. 2012,  no  10-17.593).

Doit obligatoirement figurer dans le contrat de travail ou son avenant :
1.   la référence à la convention collective et à l’accord d’entreprise prévoyant le forfait-jours ;
2.   le nombre de jours de travail du salarié au cours de l’année civile ;
3.   les modalités de décompte des journées ou demi-journée de travail ;
4.   les modalités de prise de journées ou demi-journée de repos ;
5.   le dispositif de suivi de la charge de travail ;
6.   la rémunération, qui doit obligatoirement être majorée de 10 %.

Conseil : Le problème c’est que la plupart des conventions « oublient » de mentionner certaines obligations de l’employeur et par contre ajoutent des obligations aux salariés afin de couvrir le risque juridique de l’employeur.
Il est cependant utile de veiller à ce que le contenu de la convention, au-delà de jours travaillés annuellement, stipule ce qui justifie le passage en forfait-jours, le limite dans la durée (afin de rendre réversible éventuellement le forfait), et attribue un niveau de la rémunération correspondant aux sujétions (voir question n°10).

 

8. Qui est responsable du contrôle du temps et de la charge de travail ?

L’employeur est responsable du suivi des temps de repos, de la durée et de la répartition du temps de travail ainsi que de la charge de travail. Ce suivi doit permettre de prévenir les risques sur la santé provoqués par une charge de travail excessive. L’accord doit prévoir des modalités concrètes d’organisation de ce suivi. Le salarié ne peut être considéré comme « coresponsable » du respect de ces modalités.

L’accord collectif fixe les « caractéristiques principales » des conventions de forfait (article L.3121-39). Un entretien annuel individuel porte sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, et la rémunération du salarié (article L.3121-46). Cet entretien annuel ne dispense pas l’employeur d’un suivi régulier de l’organisation du travail et de la charge de travail du salarié par le supérieur hiérarchique.
 
Conseil : Il est utile de tracer et de signaler les surcharges de travail et les horaires excessifs.  Car cela a un effet dissuasif vis-à-vis de l’employeur. En cas de problème de santé et/ou de conflit avec l’employeur, ces éléments seront nécessaires pour établir sa responsabilité.


9. L’employeur est-il en droit d’utiliser un système de géolocalisation ?

La mise en place d’un système de géolocalisation n’est pas justifiée si le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail (Cass. Soc., 3 nov. 2011, nº 10-18.036P ; CA Toulouse, 4e  ch. sect. 2, 12 oct. 2012, nº 10-07.286, RJS 4/13, nº 253). Ce dispositif doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Les salariés doivent être informés individuellement et préalablement à la mise en œuvre du traitement des données collectées, et de la finalité poursuivie (Cnil, délib.  nº 2006-067, 16 mars 2006, JO 3 mai).

Conseil : Rappelez à votre employeur, si besoin en se faisant accompagner d’un délégué, l’incompatibilité entre le statut forfait-jours et la géolocalisation. Car, par définition, le salarié au forfait-jours dispose d’une autonomie supérieure à celle des autres salariés. La législation est très claire sur les conditions de mise en place d’un tel dispositif.


10. Quid de la rémunération ?

Le forfait en jours permet de définir une rémunération sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement. La rémunération est donc forfaitaire. Elle doit, cependant, être en rapport avec les sujétions qui sont imposées au salarié (article L.3121-47 du code du travail).

À savoir : Dans la grande majorité des cas, les employeurs se contentent de relever le minimum conventionnel de la catégorie à laquelle appartient le salarié concerné (20 % par exemple pour la convention collective Syntec). Cela a pour effet de concerner très peu de salariés en réalité.

Si la rémunération est manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes afin que lui soit allouée une indemnité cal- culée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau de salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification (L.3121-47).

 

11. Comment déterminer le nombre de jours travaillés ?

L’accord collectif fixe la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi, et ce dans la limite de 218 jours.

C’est à l’employeur de décompter chaque année le nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié en forfait-jours (D.3171-10). Il doit tenir à disposition de l’inspecteur du travail, pour une durée de 3 ans, le ou les documents existants dans l’entreprise permettant de comptabiliser les jours de travail effectués par les salariés en forfait-jours (D.3171-16).

Conseil : En cas de litige, le juge tranche au vu des éléments fournis par l’employeur et le salarié. La charge de la preuve est donc répartie entre le salarié et l’employeur (Cass. soc., 6 juillet 2011, n° 10-15.050 ; Cass .soc., 7 décembre 2010, n°09-42.626). C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de noter régulièrement les jours de travail, ainsi que les heures effectuées, et conserver les preuves de ces présences.

 

12. Peut-on travailler plus que ce qui est prévu au forfait ?

Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. L’accord entre le salarié et l’employeur est établi par écrit. Le nombre maximal de jours auxquels le salarié peut renoncer et, par voie de conséquences, le nombre maximal de jours pouvant être travaillés au-delà du forfait sont fixés par l’accord collectif ayant instauré le forfait annuel en jours. Le nombre maxi- mal de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés. L’accord collectif peut fixer ce maximum dans les limites ci-dessus. S’il ne le fait pas, il est de 235 jours (article L.3121-45).

À savoir : La majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire ne peut être inférieure à 10 % (L.3121-45).
La limite résultant de cette disposition est comprise entre 272 et 282 jours selon le nombre de jours fériés chômés dans l’entreprise !

À savoir : Le Comité européen des droits sociaux la considère excessive. C’est un élément retenu pour la violation par l’état français de l’article 2§1 de la Charte sociale européenne (durée raisonnable du travail). Il est probable qu’un accord prévoyant une limite supérieure à 235 jours serait déclaré illicite.

 

13. Quid du temps partiel ?

Le temps partiel n’existe pas pour les salariés en forfait- jours. Mais, une convention de forfait annuel en jours peut être conclue avec certains salariés sur la base d’un nombre de jours inférieur au plafond légal (218 jours) ou conventionnel (Circ. DRT nº 2000-07, 6 déc. 2000). La Cour de cassation a confirmé la possibilité de conclure une convention de forfait pour un nombre de jours inférieur au plafond de 218 jours (Cass. soc., 9 juill. 2003, nº 01-42.451P). Pour autant, il ne s’agit pas d’un temps partiel. Le salarié reste à temps plein, même si son salaire pourra lui être abaissé en proportion.

Conseil : Essayez d’anticiper votre éventuel besoin de réduction du nombre de jours de travail. Si vous signez une convention individuelle de forfait-jours, essayez de la borner dans le temps, afin de pouvoir revenir sur un régime de travail de droit commun.


14. L’employeur peut-il m’imposer mes jours RTT ?

La prise des jours RTT est généralement définie par l’accord d’entreprise. Il définit aussi la période de référence qui est souvent l’année civile. Généralement ces jours de RTT sont acquis par avance (anticipation), mais leur prise reste soumise à l’accord préalable du chef d’entreprise, comme pour les congés payés. Les jours doivent de préférence être soldés avant la fin de la période de référence. Il est possible par accord d’entreprise de transférer quelques jours RTT sur l’année civile suivante.

Conseil : Anticipez vos demandes de pose de jours RTT. Essayez de vous mettre d’accord avec vos collègues pour éviter les blocages avec l’employeur.


15. L’employeur peut-il réduire le nombre de jours de RTT en cas de congés maladie ?

L’absence pour maladie d’un salarié au forfait-jours n’autorise pas l’employeur à diminuer en conséquence son nombre de jours de RTT (Cass .soc., du 30.11.11, n°10- 18762). Il en est de même pour les jours d’anciennetés et les congés dus à évènement exceptionnels (mariage, maternité, paternité, décès, etc.).

Conseil : Restez vigilant sur vos droits en matière d’absence. Consultez votre accord d’entreprise ou demandez à un représentant CGT. Le fait d’être en forfait-jours ne doit pas empêcher de pouvoir bénéficier des mêmes droits que les autres salariés.